Droit de suite : le legs devient possible… en théorie
À la différence des autres droits patrimoniaux, le droit de suite ne pouvait jusqu’à présent être légué. Le législateur, dans un texte promulgué le 7 juillet dernier, a ouvert la possibilité de confier son droit de suite à un proche, un ami, une fondation. Mais la rédaction retenue pour ce texte est encore loin d'être satisfaisante.
L’article L. 123-7 du code de la propriété intellectuelle prévoyait qu’après le décès de l’auteur, le droit de suite « subsiste au profit de ses héritiers […], à l’exclusion de tous légataires et ayants cause ». Seuls les héritiers légaux (enfants, parents, frères et sœurs, cousins…) pouvaient donc en bénéficier, même si l’auteur avait désigné par testament un légataire (personne physique, fondation…).
Le législateur a voulu mettre fin à cette spécificité française à l’occasion de la loi relative à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine. Promulgué le 7 juillet dernier, le texte revient sur l’interdiction du legs et ouvre la possibilité pour l’auteur de confier son droit de suite à un proche, un ami, une fondation...
Malheureusement, la rédaction retenue par le législateur est, de l’avis de tous les spécialistes (professeurs de droit, notaires, généalogistes), loin d’être satisfaisante. Alors qu’il eût suffi de supprimer les termes « à l’exclusion de tous légataires et ayants cause » pour ouvrir la possibilité du legs, le nouvel article L. 123-7 prévoit un dispositif très alambiqué qui conduit, pour une large part, au résultat strictement opposé à celui voulu !
Si le testament vise spécifiquement le droit de suite (legs particulier ou legs à titre universel), le légataire désigné pourra en principe en bénéficier, dans le respect des droits des héritiers réservataires. Le texte est à peu près (mais pas totalement) clair sur ce point.
En revanche, le légataire désigné pour recevoir l’intégralité du patrimoine du défunt (donc le légataire universel) sera beaucoup moins bien loti ! La loi prévoit en effet qu’il ne peut recevoir le droit de suite qu’« en l’absence d’héritiers ». Or les « héritiers », en droit français, ne sont pas uniquement les enfants ou parents : ce sont aussi tous les cousins jusqu’au 6ème degré (tous les arrière-petits-enfants de tous les arrière-grands-parents de l’auteur !)…
En pratique, telle que la loi est rédigée, un légataire universel ne pourra bénéficier du droit de suite qu’après qu’un notaire aura vérifié, généralement avec un généalogiste, qu’il n’existe aucun parent du défunt au 6e degré, en France ou ailleurs. Or dans la quasi-totalité des cas, des parents éloignés pourront être identifiés, privant ainsi le légataire universel du droit de suite.
Il est clair que le législateur n’a pas entendu consacrer cette solution. Mais c’est ainsi, malheureusement, qu’il l’a écrite… Les débats ont semble-t-il été brouillés par l’intervention insistante de certaines fondations bénéficiaires d’un legs universel qui souhaitaient pouvoir retirer rétroactivement le droit de suite aux héritiers qui en sont aujourd’hui investis. L’inconstitutionnalité d’une telle disposition a conduit les parlementaires et le gouvernement à essayer de « bricoler » dans l’urgence une solution alternative, pour finalement parvenir à ce résultat malheureux.
L’ADAGP a alerté le Ministère de la Culture et la Chancellerie sur cette malfaçon législative. Mais compte tenu du calendrier politique de 2017, un correctif risque de ne pas être possible avant plusieurs mois… En attendant, on ne peut que conseiller aux auteurs qui souhaitent transmettre leur droit de suite par testament de le faire de manière spécifique, sous la forme d’un legs particulier.
Ces questions sont malheureusement très techniques : vous pouvez contacter le service juridique de l’Adagp (juridique@adagp.fr) pour de plus amples informations.
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