Diversité culturelle : une convention à conforter, des défis à relever.

21 déc 2015

La Coalition Française a pris l’initiative de réunir ministres de la culture, créateurs et artistes pour célébrer le 10ème anniversaire de la Convention de l’Unesco et appeler au respect de la diversité culturelle à l’ère numérique.

C'était il y a 10 ans. Sous l'égide de la France et du Canada, l'UNESCO portait sur les fonts baptismaux la Convention pour la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles. En moins de deux ans, cette belle idée de la diversité culturelle faisait l'objet d'une reconnaissance et d'une protection internationales.
Cette convention n'est bien sûr pas née de nulle part. Le combat mené par la France et par ses artistes et créateurs au moment des négociations commerciales du GATS en 1993 afin que les biens et services culturels et audiovisuels ne fassent pas l'objet de marchandages commerciaux y a naturellement contribué, jusqu'à faire parfois de cette exception culturelle revendiquée une réalité très française, trop française même.

Sans l'engagement non plus des plus hauts dirigeants français, notamment du président Chirac, mais aussi de tous les responsables politiques, au-delà même de leurs appartenances politiques, et de la diplomatie française, nous ne fêterions certainement pas aujourd'hui les 10 ans de cette convention.

Mais, plus que tout, rien n'aurait été possible si un nombre croissant de pays, sur tous les continents, n'avaient reconnu que l'uniformisation des œuvres, leur banalisation et la concentration des offres culturelles représentaient un risque majeur pour tous ceux qui considèrent que les biens et services culturels ne sont pas des marchandises.

Voilà la grande avancée de cette convention : défendre la légitimité d'un droit de la diversité culturelle qui s'est imposé et qui est enraciné dans les consciences et dans les règles ; réaffirmer la souveraineté des Etats à adopter et à conduire des politiques de soutien à la culture et à la création.

Conclue dans des délais inhabituellement courts sur la scène internationale, ratifiée désormais par 139 Etats, la Convention porte en elle un constat implacable et une conviction politique profonde.

La diversité culturelle est, comme le sont les Droits de l'Homme, l'expression d'un humanisme et d'un universalisme. Elle n'est ni française ni européenne mais se définit comme un héritage commun pour l'humanité. Elle est aussi l'allié de celles et de ceux qui veulent s'exprimer à travers leurs arts, où qu'ils soient dans le monde, et la meilleure arme pour ouvrir les consciences, pour lutter contre les obscurantismes et pour éviter les replis identitaires qui n'aboutissent qu'à la négation des droits humains et à une insoutenable violence.

Mais, la diversité culturelle est aussi fragile et parfois même précaire. Nous connaissons tous trop d'exemples d'atteintes à la liberté d'expression et de création, d'artistes bâillonnés, poursuivis ou emprisonnés, et trop d'illustrations d'une domination culturelle, qui, à défaut d'être systématiquement visible, n'en est pas moins toujours brutale et inacceptable.

En refusant de soumettre les biens culturels aux règles classiques du libre marché, en veillant à consacrer dans le droit international la reconnaissance d'un droit à créer et d'un droit à soutenir la culture locale, la Convention a donc fait œuvre utile.

Eclairer les 10 ans passés ne doit pas empêcher d'envisager les 10 ans à venir, à l'aune notamment de ce défi numérique qui nous concerne tous et qui ne rend cette Convention ni obsolète ni inopérante. Nul besoin d'ailleurs d'y ajouter de nouveaux articles ou de la compléter car elle a d'ores et déjà vocation à s'appliquer sur tous les supports qui permettent de diffuser et de distribuer des œuvres culturelles. En revanche, l'adoption de directives opérationnelles permettant d'accompagner les Etats et les acteurs culturels dans la mise en œuvre de la Convention pour la dimension numérique des politiques culturelles est une démarche qu'il faut soutenir et encourager.

Plus que jamais, les principes intangibles de la diversité culturelle doivent s'imposer. Pour garantir une juste rémunération aux auteurs et aux artistes. Pour faire vivre pleinement la coopération culturelle internationale. Pour financer la création dans toute sa diversité en mettant notamment à contribution ceux qui la diffusent. Pour permettre aux œuvres locales et nationales d'être présentes sur les supports numériques. Pour que la diversité ne soit pas qu'un mot dans une convention mais une réalité visible et incontestable.

Désormais numérique et connecté, le monde n'en a pas pour autant fini avec les menaces d'uniformisation, de standardisation et les craintes d'un nouvel impérialisme qui n'est pas moins dangereux pour l'avenir de la création culturelle et le nécessaire dialogue entre les civilisations.

Cette conviction en appelle une autre : la nécessité de pouvoir continuer à compter sur la protection et le soutien d'une convention internationale forte dans ses principes et efficace dans sa mise en œuvre, tout autant que l'envie de pouvoir célébrer dans 10 ans son 20ème anniversaire !

Signataires:
Anciens et actuel ministres de la culture et de la communication : Philippe Douste-Blazy, Catherine Trautmann, Jacques Toubon, Catherine Tasca, Jean-Jacques Aillagon, Renaud Donnedieu de Vabres, Aurélie Filippetti, Fleur Pellerin, Christine Albanel, Frédéric Mitterrand.

Personnalité : Jack Ralite, fondateur des Etats généraux de la Culture

Créateurs et artistes : Jean-Paul Salomé, Agnès Varda, Michel Hazanavicius, Bérénice Béjo, Costa-Gavras, Jean-Claude Carrière, Radu Mihaileanu, Raoul Peck, Julie Bertuccelli, Olivier Nakache, Eric Toledano, Jean-Michel Jarre, Bob Sinclar, Mounir Fatmi, Valérie Jouve, Benoit Peeters, Daniel Buren.

Président de la Coalition française pour la diversité culturelle : Pascal Rogard

Lire l'article du 15/12/2015 sur le site du Huffington Post

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